©Judie Montaudon

Le code a changé #1

MAYURA TORII
Suspendue

VUES DE L’EXPOSITION

Vues d’exposition M.T., 2024 ©Judie Montaudon

Des peintures d’inapparence décoratives

Mayura Torii inaugure le premier chapitre des expositions « Le code a changé » initié par le propriétaire des lieux. Comment intervenir dans un appartement meublé, mais pas encore occupé, afin de confronter un travail artistique avec un décor domestique dans un espace qui fait face à une vue plongeante sur le Vieux-Port, panorama exceptionnel qui s’impose et s’invite dans la pièce à vivre ?

Dans un premier temps, l’artiste a souhaité rencontrer Virginie Dumon architecte d’intérieur (*) qui a restructuré et aménagé l’appartement. Elle lui a posé cette question « Comment as-tu travaillé avec le ciel et la mer ? » Cette phrase se retrouve écrite sur une partie des baies vitrées, elle se superpose à cette immense vue de Marseille, et commence une narration que l’on retrouvera ensuite sur les peintures mais de façon parcellaire, tronquée. Cette narration va se poursuivre et se terminer dans le show-room de l’Âne Bleu avec un ultime tableau exposé. La fin d’une boucle, ou d’une très longue phrase voyageant dans l’espace, comme pour dire que l’intérieur se prolonge à l’extérieur du lieu.

Les peintures font référence à des tissus écossais, paraissant réduites à un objet de décor, à un échantillon, à un coupon de couturière pour les petits formats. Sur ces échos aux tartans écossais une phrase se dessine en blanc. La phrase n’est pas citée en entier. De même que la peinture qui ne finit pas de ne jamais finir, les phrases n’ont ni commencement ni fin.

On peut deviner le sens du mot coupé mais pas au delà. La narration enregistrée préalablement est entrecoupée de manques afin de ne pas tout dire d’une chose, de laisser la vacuité intellectuelle nourrir les lieux de l’absence et s’ajouter au visuel du tableau. Ces pertes de mots en amont et en aval de l’inscription relance le regard sur la peinture. On remarquera que les couleurs jouent au jeu des ressemblances avec celles du mobilier. Le bleu d’un fauteuil semble ressurgir sur la toile, ou inversement, et ainsi se joue une partition colorée, rythmée entre mur et sol.

Ces peintures correspondant à des tissus d’ameublement à carreaux que l’on a pu voir tendus dans des intérieurs cosy, sont trop signifiants pour ne pas qu’on subodore une dimension humoristique en relation avec la phrase tant rebattue « ça ira bien avec le canapé » ! Ces peintures faussement décoratives fonctionneraient–elles comme une tautologie ? Un pléonasme visuel ? On pressent nettement une dimension moqueuse sous-jacente sur l’intention de l’œuvre, une distanciation par l’absurde… Un clin d’œil de côté. Mayura me confiera alors « Je fais des choses ridicules très sérieusement » On ne pourrait mieux dire...

Les phrases qui coupent d’un trait blanc la surface peinte se donne à lire sur une horizontale d’autant plus déterminante que, par sa position, elle fait tanguer le tableau dans une posture inhabituelle d’accrochage, comme pour y inscrire l’incertitude de l’œuvre d’art qui ne serait toujours qu’apparence…

Bernard Muntaner, 2024

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