Le code a changé #3

Christian Jaccard
Helios Rubor

VUES DE L’EXPOSITION

Vues de l’exposition C,J. 2025 ©Judie Montaudon

Faire trace

entretien de Christian Jaccard par Bernard Muntaner, Paris

Bernard Muntatner : Tu t’es fait connaître en créant des œuvres participant d’« outils » qui te servaient à « empreinter » une feuille de papier, un tissus ou une pièce de cuir, qui, une fois dépliés, révélaient soit l’empreinte, soit l’empreinte et son outil. Il y avait une pression, un contact, laissant la trace d’une action qui pérennise celle du faire. D’autres outils sont constitués de cordes nouées, formant une sorte de famille d’objets-sculptures mutiques, posées horizontalement ou verticalement telles des totems, passés au graphite, dont la couleur anthracite approche celle du brûlé. Faire trace de l’acte créatif.
Dans ta pratique artistique tu as toujours privilégié des formes d’expressions issues d’outils différents et inattendus : la corde, le feu, prenant de la distance avec les outils conventionnels. L’œuvre est alors étroitement liée à l’objet qui l’a fabriqué. Celui-ci en déciderait et en résoudrait en grande partie la création. Le feu est-il un de tes derniers outils privilégié, et peut-on dire que tu dessines/peins avec le feu ?

Christian Jaccard : « Le feu-outil et sa combustion » dessine, oblitère et peint. J’en suis le simple convoyeur

B.M. : À quel moment le feu est-il apparu dans ton travail comme composante plastique, et quel en a été le déclencheur éventuel ? La dimension symbolique du feu est-elle aussi importante pour toi, ou est-ce la réalisation visuelle qui est le vrai sujet ?

C.J. : Captivé par les fossiles ramassés dans un ruisseau du Vercors je trouve l’origine de mon regard sur l’empreinte. Le Paléolithique m’intrigue, j’en saisis à l’époque l’incidence que ceci aura sur mon objectif artistique.

Dès les années 60 je m’intéresse à la Préhistoire, à l’aventure du feu, à son processus pariétal et à ses nombreux usages. Je découvre à travers ses divers moyens « l’ outil » de marquage primitif dont la force graphique visuelle et hypnotique m’apparaît exceptionnellement prometteuse. Il s’agit de feu chimique ; celui qu’on appréhende avec un matériau (le combustible), l’oxygène de l’air (le comburant), et un apport d’énergie servant de déclencheur. Toute combustion est l’amorce d’une chimie potentiellement capricieuse. Sa mise en œuvre produit des effets singuliers, son ignition engendre des traces de calcination et de brûlure imprévues ; elle crée des empreintes carbonées et des matières résiduelles dont l’ampleur de la substance est capable par sa singularité et son oblitération de matérialiser un pouvoir de fascination autant que les vestiges d’énergies dissipées. J’explore depuis plusieurs décennies et dans de multiples circonstances les variants esthétiques d’un processus de combustion dynamique, visuel, créateur et prodigieux.

B.M. : Dans ton travail tu utilises 3 couleurs, le rouge, le blanc et le noir. Toujours dans la symbolique ?

C.J. : Pas nécessairement, leurs pigmentations produisent des nuances composites et leurs effets sont souvent subtils et inattendus. Rouge, Blanc, Noir ont chacun(e) leur triptyque ou trilogie : l’éclat et son degré de luminosité ; la tonalité et son degré chromatique ; la saturation et son degré émotif ou inspiré.

B.M. : Quand tu interviens dans l’espace d’une galerie, un centre d’art, un musée, tu choisis souvent de travailler directement sur les murs. Dans le contexte du projet « Le code a changé », tu as été amené à prévoir tes créations sur des supports à présenter au mur. Qu’elle serait la différence notable entre ces deux réalisations de ton travail ? Le rapport à l’éphémérité/pérennité ?

C.J. : Des combustions in situ n’étant pas envisageables, il s’agit de présenter ici la décomposition d’un polyptyque en sept états pérennes effectué à l’extérieur du lieu en question. Le motif d’un tableau éphémère et sa finalité se conçoit dans un temps d’immédiateté, de précarité puis d’effacement.

B.M. : Dans ce projet qu’est-ce qui a orienté tes réponses plastiques et réflexives en découvrant le lieu, avec sa baie vitrée panoramique, d’où apparaît la ville, les collines, le ciel et le soleil en face à face comme interlocuteur ?

C.J. : Inspiré de la Mythologie l’idée d’une fiction naît au sein du site et son ouverture sur le ciel méditerranéen.

« Hélios Rubor commence à se dilater à partir d’une « singularité »,tel un état si chaud et si dense qu’il éclaira la nuit stellaire. Puis Helios Rubor en phase d’inflation fulgurante prend progressivement une configuration solaire et incandescente.Helios Rubor devient le grand œil rayonnant du monde au cœur d’un ciel galactique comme au centre de l’être. C’est ainsi qu’Helios Rubor héliocentrique légendaire tel un astre rubescent entre matière et lumière éclaira Sapiens, le façonna et le relia à l’immensité cosmique »

B.M. : Il y a 7 clous disposés sur différents murs qui reçoivent chacun les œuvres des artistes invités. Tu as proposé 7 œuvres que tu as titrées : Sol justitiae, Sol lnvictus, Sol divinus, Sol ad zenit, Sol ortus, Sol levans, Sol spirituale. Quel en est le propos ?

C.J. : Sol lnvictus : Le Soleil invaincu est une divinité solaire romaine dont le culte apparaît dans l’Empire romain au cours du 3ème siècle
Sol divinus : est supposé comme pouvoir de manipulation de l’énergie divine. Sol ad zenit : est le point le plus élevé du soleil au cours de la journée à midi ; c’est aussi le solstice d’été
Sol ortus : est le moment où le soleil apparaît le matin à l’Est
Sol levans, ou Solis ortus, Sol oriens : le soleil se lève
Sol spirituale : représente la manière dont l’humain veut vivre créer et tracer son destin.

B.M. : L’odeur de brûlé fait-elle partie d’une affirmation de l’œuvre, ou est-elle uniquement consubstantielle ?

C.J. : Accidentelle, fugace et passagère

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